Une forme étrange de poésie m’habite. Impalpable. Une poésie sans mots. Elle irradie mon corps quand je surprends un renard sorti soudainement des arbrisseaux que je fréquente. Le temps se fige, moi aussi, et je me rends compte combien les signes qu’ont inventés les hommes sont inaptes à capturer le théâtre quotidien du monde. Du haut de nos prétentions, nous sommes après tout si rudimentaires. Cela m’amuse. Cette pensée me sert beaucoup aussi – comme philosophie pratique. Mon destin est si futile que je ne perdrai plus haleine à courir après. Du moins, c’est ce que je pense. Mais le langage me trahit aussi. Nous avons construit un monde parallèle fait de lettres et de chiffres. Nous en sortons de belles esquisses, de beaux romans, de magnifiques rêves. Mais nous en sortons aussi milles avatars, milles images dévoyées de ce que nous devrions êtres.
Ma prose cache ma faiblesse d’homme. Celle qui alimente mon ego. Derrière mes ivresses romantiques se tapissent mes tourments existentiels. Quelle prétention cela serait de dire que je les ai vaincus ! Ils me travaillent, irriguent mes travers et me font poursuivre le spectre d’une jeunesse éternelle.
En face de l’illogisme de nos siècles, des promesses de justice qui fanent dans leurs germes, j’ai d’abord chaviré. Puis on m’a soufflé qu’il fallait vivre à la pointe de sa peur, s’armer de sollicitudes et vibrer avec les explosions des simplicités environnantes.
Alors, suivant ces conseils antiques, je méditais. Le mammifère au poil roux s’approchait de moi sans peur. Il ne me voyait pas. Trompé par l’habitude d’associer les humains à la lourdeur de leurs pas. Perché sur les vestiges des paysages miniers lorrains, je me fondais parmi les pierres et les arbustes. J’ai puisé une joie immense à observer tant de noblesse. Le soir, penché en arrière, je plongeais dans le ciel étoilé et la lune m’embrassa le front.
Notre révolution sera spirituelle – ou ne sera pas.
NH