Kevin

En mémoire de Kevin, mon camarade.

Nous avons partagé les bancs de l’université. Mais nous partagions surtout les interstices des cours et séminaires. Ces moments que nous buvions à grands traits de paroles. Notre débit n’était entrecoupé que par les bouffées de tabac roulé. C’est ces moments qui fondent le territoire de la connaissance. Ces moments où nous pouvions réfléchir aux concepts et aux affres du monde. Le temps se dissolvait alors. La lumière dans le coin de l’oeil, le sourire aux lèvres et les frissons d’une compréhension mutuelle. Avec Kevin nous nous comprenions. Avec Kevin je crois même que nous nous inspirions lors de ces moments. En tout cas je sais que lui m’inspirait. C’est précieux, car rare. Je lui suis redevable de mes réussites universitaires. Car c’est lui qui me poussait dans mes retranchements et qui me faisait découvrir des articles de théories monétaires que j’utiliserai plus tard. Il m’inspirait par son engagement, par le temps qu’il réservait aux projets de sa localité. On reconnait les hommes de grand cœur au fait qu’ils ne tiennent pas de comptabilité de ce qu’ils donnent. Il y aura toujours un souvenir vif de lui dans ma mémoire où donner était son évidence. Le monde ne peut qu’être meilleur avec des héritages comme le sien. Je tâcherai, dans mes gestes quotidiens, de l’honorer.

Le temps et les péripéties de la vie adulte nous ont éloignés. Je me souviens de nos derniers échanges. À Louvain-La-Neuve, dans le recoin du bar où nos discussions étaient tamisées par une lumière chaude. Nous fêtions notre remise de diplôme. Lui, il la fêtait avec humilité. Une humilité qui irradiait l’espace et qui me faisait voir comment être un homme de valeur.

Ce moment me parait appartenir à l’éternité.

Sur les chemins de l’existence, on rencontre rarement des personnes comme Kevin. La discrétion du personnage n’enlève pas la marque qu’il laissera. Une marque pleine d’authenticité. Dans un monde qui s’habille de rôles et d’égos, avec lui on ne jouait pas. La camaraderie ôtait les masques, donnait espoir. Nos échanges étaient adéquats et véritables. Il faisait partie des rares personnes dont le silence prolongé n’aurait jamais entravé des retrouvailles amicales. Je crois que c’est l’impossibilité d’expérimenter cela dans le futur qui me chamboule.

NH

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