A Tananarive

Je commence ce blog comme un carnet. Par des intentions. Que je ne respecterai certainement pas. On ne sait jamais où nous mène l’écriture, surtout quand on la pratique comme moi, avec peu de discipline. Je ne dresse jamais les lignes d’un plan de ce que j’écris comme un architecte, je me laisse plutôt porté par l’ivresse du moment.

Je suis arrivé à Antananarivo il y a trois semaines maintenant. L’impression d’être sorti de la réalité ne me quitte pas. Je me souviens des premières pages de mon vieux carnet qui m’accompagnait lors de mon arrivée au Cambodge, en 2017. J’écrivais alors combien les anticipations de mon imagination ne rivalisaient pas avec la réalité. Après plusieurs jours sous le soleil merina, c’est comme si je découvrais de nouvelles couleurs et de nouveaux mélanges de sons et d’odeurs.

Il est vrai que le dépaysement a été accentué par le filet de sécurité personnel qui a lâché. Je n’ai pas besoin d’être plus explicite pour mes lecteurs. Imaginez-vous seulement que l’on vous arrache a une zone de confort, d’autant plus en terre inconnue, et c’est la chute. Cependant, le vertige a vite laissé place à la découverte que mes appuis sont solides. Je me sens fort et entier.

Me voici à Antananarivo.

Me voici projeté dans un monde nouveau. Quitte à être en contradiction avec l’ouverture de ce billet, ce monde m’est familier à plusieurs égards. Le passage des Français a laissé des traces. Architecture, langue, cuisine. Mais Madagascar ne se limite pas à son influence française – même si certaines institutions financées par l’hexagone aiment à s’y attarder. J’en parlerai sans doute, dans un futur billet (mais je haïs les plans). Je parlerais certainement de ses entrelacs de cultures qui structurent également les rapports de pouvoirs.

Dans un taxi. Capture d’une vidéo le 29 octobre. Titre éventuel: un beret à Madagascar.

Ce blog parlera aussi très certainement beaucoup d’argent, ou de rapport à l’argent. Quand on est propulsé sur ces terres comme blanc, comme vahaza, notre rapport aux coûts de la vie est bousculé. Voici un thème récurrent dans mes notes, un thème qui m’obsède presque. Il y a un aspect psychologique a pouvoir dépenser en une journée ce qu’un malagasy économise péniblement en un mois. Notre rapport au temps, au travail et à la valeur en est totalement chamboulé. Pas de quoi s’étonner alors que certains se comportent en prince (déchu). Ce rapport à l’argent qui diverge entre nous et eux, fosse (sic) les relations: il y a toujours, dans l’arrière plan, ce décalage du pouvoir d’achat, du pouvoir sur le temps. Ce qui ne veut pas dire que des relations sincères sont impossibles entre blancs et malagasy. Comme dirait Solaar, l’argent ne fait pas le bonheur, fait-il le malheur ? L’essentiel est d’être à la hauteur. Plus facile à dire qu’a faire. Du haut de ma prétention à juger les autres, je suis parfois surpris par les réflexes que produit la supériorité de mon portefeuille.

Me voici à Antananarivo et je ne vous promets rien. Cela m’a pris trois semaines pour publier de premiers mots.

NH

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